Nous ne savons pas vraiment à quel moment l’intelligence est apparue dans le cerveau de nos ancêtres, les grands primates. En fait, cette évolution s’est probablement effectuée sur des dizaines de milliers d’années. Il n’y a donc pas eu d’éclair de génie ni de moment d’illumination qui aurait transformé nos lointains parents en êtres pensants.

Parmi les défis de la survie quotidienne, quelques hominidés se sont d’abord redressés sur leurs pattes arrière, avant de transmettre à leurs descendants quelques sons formant la base d’un langage. Puis, après avoir fabriqué des outils rudimentaires, des couteaux, des racloirs et des pointes de flèches, ils ont finalement domestiqué le feu, permettant ainsi aux premières communautés de partager de la nourriture dans des espaces protégés.

Plus tard encore, en se rassemblant autour d’un feu, quelques-uns de nos ancêtres communs ont sans doute suivi du regard quelques étincelles montant vers le ciel étoilé. Troublés par l’immensité de la voûte céleste, nimbée des lueurs d’une aurore boréale, ils ont alors imaginé une force transcendante, précédent l’existence de toutes choses.

Avec le temps, cette force imaginaire est devenue la source et le sens de tous les événements de la vie cosmique et terrestre. La mort, le plus triste des phénomènes de l’existence humaine, est ainsi devenue un rite de passage. Dans les sépultures découvertes plus tard, on trouva parmi les os, des restes de fleurs, des outils et des coquillages déposés là en espoir d’au-delà.

Au cours de l’histoire humaine, ces sentiments tendres ont donné naissance à des civilisations et à des religions qui ont façonné des dieux aux mille visages. C’est ainsi que certains croyants se recueillent devant des divinités pacifiques, alors que d’autres invoquent des dieux colériques et vengeurs qui les accompagnent sur les sentiers de la guerre.

Il n’y a pas si longtemps, l’idée de descendre des grands singes ne plaisait pas du tout aux terriens. Encore aujourd’hui, pour une vaste majorité de l’humanité, cette découverte du naturaliste Charles Darwin est encore en contradiction avec une pensée religieuse qui préférait que nous soyons issus des dieux. Pour plusieurs personnes, l’idée que les dieux aient été imaginés par nos ancêtres hominidés est une pure hérésie.

Quoi qu’il en soit, au cours du vingtième siècle, malgré les promesses d’éternité des traditions religieuses, la pensée scientifique a progressivement pris le relais pour expliquer l’existence du monde. En écho au Big Bang, l’âme est devenue de l’inexplicable poussière d’étoiles. Pourtant, malgré ces connaissances scientifiques, nous ne savons toujours pas pourquoi nous sommes là plutôt que pas.

Comme si ce vertige ne suffisait pas, nous savons également que toute la matière qui constitue l’univers sera progressivement soufflée comme la flamme d’une bougie. Dans quelques milliards d’années, il n’y aura plus personne pour se rappeler que tout ce bazar a existé. Dans le paradigme de la science, comme dans celui de la religion, l’existence et son éventuelle disparition demeurent un mystère entier.

En ce début de troisième millénaire, nous sommes de plus en plus nombreux à vivre centenaires, alors que l’espérance de vie de nos ancêtres ne dépassait pas trente ans. Pourtant, malgré l’amélioration constante des conditions de vie sur Terre, malgré nos gadgets électroniques et nos réseaux d’interconnexion planétaire, lorsque nous nous assoyons près d’un feu, il nous arrive encore de nous retrouver dans la préhistoire à nous demander pourquoi la vie est un phénomène éphémère.

Que nous soyons croyants, agnostiques ou athées, il faut bien reconnaître que l’angoisse nous assaille parfois. Pour apprivoiser cette angoisse, le mieux que nous puissions faire est peut-être de nous inspirer de nos ancêtres Homo sapiens qui ont transformé leur vie en peignant des scènes de la vie quotidienne sur les parois de leurs cavernes.

Parmi ces œuvres d’art, ayant résisté à l’épreuve du temps, on retrouve parfois les empreintes ou les contours de simples mains humaines. En les observant, notre pensée se calme. On se retrouve alors devant l’étrange effet miroir d’un lointain parent qui a éprouvé le désir de laisser une trace. Un grand frère ou une grande sœur qui nous envoient la main pour nous dire simplement qu’ils sont passés par là et qu’ils font partie de l’histoire de l’espèce humaine.