Mes parents nous avaient réveillés en pleine nuit pour nous apprendre que le père Noël avait réussi à entrer par la cheminée de notre petit appartement de la rue Frontenac.
Dans nos têtes d’enfants en pyjamas de flanelle nous n’arrivions pas à comprendre comment le gros bonhomme à barbe blanche avait fait pour se glisser dans le tuyau étroit, menant directement au cœur d’une fournaise à l’huile rougeoyante. Mais il a bien fallu accepter l’évidence, des cadeaux multicolores étaient apparus sous notre arbre de Noël.
En déchirant l’emballage rouge et vert du cadeau qui m’était destiné, j’ai vu apparaître l’image d’une puissante locomotive à vapeur traversant un paysage montagneux. Après que mon père ait assemblé les rails, j’y ai déposé la locomotive en y accrochant quelques wagons de passagers et de marchandises. Une fois le transformateur branché dans une prise de courant, le train s’est mis à tourner à vive allure sur le circuit fermé.
Malgré ma fascination pour ce nouveau jouet, j’ai bientôt été déçu par le fait que la locomotive ne produise pas la fumée qui apparaissait pourtant sur l’image de la grande boîte de rangement.
Entre Noël et le Jour de l’An, mon train électrique ne s’était arrêté que la nuit pour que ma mère ne devienne pas complètement folle. À ma grande déception, la cheminée de la locomotive n’a jamais émis la moindre fumée malgré une utilisation intensive. S’agissait-il d’un défaut de fabrication ou d’une fausse représentation, quoi qu’il en soit, on m’avait fait comprendre qu’il était impossible de rejoindre le père Noël pour obtenir des explications.
Un jour où ces questions tournaient en rond dans ma tête, mon train s’est immobilisé net à l’intersection menant à une montagne de plastique percée d’un tunnel. J’avais beau débrancher et rebrancher le transformateur, l’engin semblait bien avoir rendu l’âme.
À cette époque, j’avais un ami de 81 ans qui habitait à l’appartement du dessous et, lorsque monsieur Bergeron avait appris que mon train électrique avait cessé de fonctionner, il m’avait proposé d’essayer de le réparer. Après avoir démonté les rails, je les ai replacés dans la boîte originale en couchant sur le côté la locomotive et les wagons tels qu’ils étaient placés dans la nuit de Noël.
Quelques jours plus tard, M. Bergeron m’avait appelé pour m’apprendre fièrement qu’il avait réussi à réparer le cadeau défectueux du père Noël. Lorsque je suis arrivé chez lui, le train attendait en gare, posé sur ses rails assemblés sur la table du salon. Mon mécano a alors branché le transformateur et la locomotive s’est mise en marche comme si elle ne s’était jamais arrêtée.
Soudainement, après deux tours de piste, un court-circuit s’est produit dans la locomotive et l’engin s’est arrêté en projetant un formidable jet de fumée blanche par sa cheminée. Monsieur Bergeron était désolé, alors que je ne l’étais pas du tout. J’étais enchanté. L’espace d’un moment magique, mon train était devenu un véritable train à vapeur qui avait émis de la vraie fumée. Même si ce train électrique n’a plus jamais fonctionné, je l’ai conservé précieusement parmi mes jouets préférés.