Mon cher ami, mon bel humain plus grand que nature….

Depuis que la vie m’a fait l’immense cadeau de ta rencontre, tu m’as appris à réfléchir au-delà de mes émotions, à lire, à fouiller, à chercher sans relâche pour accumuler le plus de connaissances possibles, parce ce que, disais-tu, c’était l’unique manière d’éviter la polarisation d’idées.

Tu m’as appris qu’une opinion ne valait pas plus qu’une croyance, puisqu’elle n’était que l’expression émotive de nos peurs, de nos angoisses, de nos mécanismes de défense. Qu’un véritable débat ne pouvait se faire qu’après une analyse de plusieurs données statistiques et de faits prouvés. Tu m’as bercé de ta voix chaude et calme lorsque l’anxiété prenait le dessus sur ma raison. Tu m’as appris à canaliser mes émotions volcaniques pour qu’elles deviennent constructives, et non plus destructrices.

Depuis vingt ans, ta main bienveillante m’a toujours rattrapée lorsque je perdais pied. Je t’appelais affectueusement ma petite boussole, car lorsque le torrent de la vie me faisait perdre le nord, tu prenais toujours le temps de m’aider à réaligner mes aiguilles vers la bonne direction.

Tu étais mon phare, mon roc, mon ancrage….Comme tu l’étais pour tant de gens qui t’entouraient. Tu as passé ta vie à donner, à nous apprendre comment solidifier nos pieds sur des sols d’argile. Tu as été la lumière qui illuminait nos ténèbres. Mais tu en as oublié que ton sol à toi était un mince fil de sable mouvant. Ton intelligence hors du commun a réussi à nous masquer cette fragilité en un tour de passe-passe que le plus grand illusionniste n’aurait jamais pu démasquer.

Lorsqu’une fine couche de cellophane n’arrive pas à combler l’espace qu’elle doit protéger, on a qu’à tirer un peu plus sur la pellicule pour qu’elle s’assouplisse. Si elle fendille, sa malléabilité arrive tout de même à atteindre son objectif. Mais lorsqu’un roc se fissure, il se fragilise, et il perd soudainement sa plus profonde raison d’exister.

Un roc, ça n’a jamais appris à flotter hors de l’eau durant les tempêtes. Un roc, c’est persuadé qu’il sera toujours plus fort que tous les ouragans. Quand la tornade est arrivée, le raz de marée a été si grand que le barrage n’a pu tenir le coup, et tu as dérivé vers les grandes profondeurs.

Je me suis alors dit que je connaissais ca moi, les grandes profondeurs!

Mais un cellophane, ca se fait happer par la vague, ca fait 3-4 culbutes sur lui-même, ca prend de grosses, de très grosses gorgées d’eau, jusqu’à en vomir, mais toujours, il trouve le chemin de la surface. Le roc lui, a beau tenter toutes les manœuvres possibles, il coule toujours plus au fond.

Les derniers mots que je t’ai dits de vive voix sont « Je t’aime mon ami», et pour la première fois, tu m’as répondu « Moi aussi, je t’aime ». Tu m’as alors promis que si tu sentais que les vents devenaient trop violents, avant de commettre l’irréparable, tu m’appellerais pour que je puisse à mon tour, te rattraper.

Pour la première fois, tu as brisé une promesse.

Si je suis l’être humain que je suis aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à toi!

Tu vas tellement me manquer mon ami, mon grand frère, ma boussole… Si seulement j’avais pu te rendre ne serait-ce qu’une petite parcelle de tout ce que tu m’as transmis pour m’apprendre à m’élever!

Je suis si fatiguée de voir tous ces hommes tomber……….

Nadia Bélanger