En mémoire de Michel

Cher Michel,

J’aurais voulu te parler encore une fois.

Au téléphone, tu m’avais dit combien ta souffrance, ta douleur étaient insupportables. Au bout du fil, ta voix, lointaine, éteinte, arrivait à peine à décrire ce qui t’arrivait.

Pourtant, quelques mois plus tôt, nous discutions encore avec enthousiasme de tes projets d’écriture, tu me faisais parvenir des textes, me demandais ce que j’en pensais, nous échangions des idées, parlions des sujets que tu développais, autant sur le fond que sur la forme.

Un peu comme nous l’avions fait pendant ces années à Marie-Victorin. Dans ton bureau ou le mien, nous passions des heures à travailler sur des contenus de programme, des plans de cours, des formulations d’objectifs, des évaluations…Comme j’enviais tes capacités à synthétiser, à proposer de nouvelles voies ! Et ton humour qui n’était jamais très loin, relativisant les questions existentielles que des débats pédagogiques peuvent générer.

Que de bons moments lors des traditionnelles fêtes organisées par le collège où l’on se regroupait quelques-uns, à table, souvent les mêmes, à discuter, boire un peu, changer le monde, rigoler, et partir les derniers.

Et ce voyage pour le travail, à Trois-Rivières je crois. Tu avais apporté plein de CD, que nous avons écoutés pendant le trajet, presque silencieux. Nous devions participer à une rencontre, et j’avais de nouveau été impressionné lors de ta communication, par ta parfaite connaissance du dossier, ton assurance et cette facilité d’échange qui te caractérisait, entre légèreté et rigueur.

J’ai pris ma retraite bien avant toi. Nous en parlions de temps en temps. Tu me disais, sourire en coin, que j’étais un « retraité d’expérience ». Un soir, où nous nous étions retrouvés au restaurant, tu m’as annoncé que ta décision était arrêtée, tu serais retraité dans quelques mois. Tu m’avais longuement parlé de ton appréhension devant cette aventure nouvelle. Mais bon, nous en étions restés là. Il y aurait d’autres projets.

Les semaines et les mois ont passé, traversés par la pandémie.

Au printemps, nous avions projeté de nous retrouver sur le Mont-Royal, pour marcher, prendre l’air. Cela n’a pas pu se réaliser. Les coups de fil se teintaient de plus en plus de ce qui t’envahissait, te chamboulait, te faisait si mal. À mon retour de vacances, je t’ai laissé un message sur ton répondeur. Je te demandais de me rappeler. Quelques minutes plus tard, un court texte de toi dans ma messagerie : reparler, pour le moment, était devenu lourd.

Notre contact s’est cruellement arrêté là !

Maintenant, il y a les souvenirs, heureux et tristes, et peu à peu, la mémoire faisant son œuvre, une autre forme de conversation apparaît, réactivant le lien, la présence.

Nelson 16/09/2021